1938 |
1943 Arrivée à
Londres
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2 photos du stage Polonais
à Largo |
IN
MEMORIAM:
Par Pierre Mc Orlan
"Le Capitaine
Pierre Marienne est mort..." le 12 juillet 1944, ces mots
furent acceuillis par l'écho autour d'une grange bretonne,
à l'heure même que Pierre Marienne, Capitaine au
2è Ré giment de Chasseurs Parachutistes, tombait
sous les balles de ceux qui l'avaient fait prisonnier.
Ses meurtriers le tuèrent allon,gé sur le sol et
les poignets liés. Puis ils lancèrent à l'écho
com me un chant de victoire, l'annonce que le Héros n'existait
plus et qu'ils avaient touché la prime, car sa tête
avait été mise à prix par lesallemands.
Cette histoire d'une tristesse infinie il faut de mander aux jeunes
hommes coiffés du béret ama rante de vous la conter
dans tous ces détails.
Elle est affreuse. Elle pétrit le coeur comme pour en extirper
la dernière goutte de sang.
On l'écoute en baissant la tête et la gorge ser rée.
Et il est difficile, aprés l'avoir entendue, de prolonger
la conversation...
Mais la vie militaire et la mort de Pierre Marien ne, qui deviendront
légendaires, resteront les éléments les plus
purs de la Tradition du 2è de Chasseurs Parachutistes,
celle de ses "Sticks" fameux qui suivirent l'exemple
de celui qu'ils appelaient "le Preux".
Si je suis, en ce moment l'interprête de la pen sée
de ces jeunes soldats, c'est que je connaissais particulièremlent
Marienne.
Il m'avait donné son affection comme je lui avais donné
la mienne. Ces quelques mots d'adieu sont donc bien dans le prolongement
de notre amitié. En écrivant ceci, il me semble
voir le visage inoubliable de Pierre Marienne. Il me sourit et
me fait signe de continuer.
La première fois que je rencontrais le poëte Pierre
Marienne, c'était à Sousse, vers l'année
1930. Il était en compagnie du jeune poëte Amrouch.
C'était également au crépuscule de la nuit.
Le vent passait comme une rafale le long des quais; il faisait
s'entrechoquer les mahonnes et il ébouriffait les franges
des épaulettes des maréchaux des logis de la Légion
attablés devant les tables de la terrasse du Britol. Si
je cite ce détail, c'est que la première apparence
de Pierre Marienne demeura toujours associée dans ma mémoire
à celle de ces grands cavaliers d'un lyrisme si élémentaire
et cependant, si secret. Marienne aimait la vie active et libre
de ces hommes et son Destin n'était point celui d'un jeune
étudiant poète, préparant sa licence dans
un collège où il gagnait sa vie comme répétiteur,
je crois. Pierre Marienne était poète: il se chauffait
au feu central de son lyrisme. Mais ce brasier préparait
sa vie future qui était celle d'un Chef merveilleux, d'une
autorité puissante et charmante. Il suffit, pour comprendre,
de regarder dans les yeux ceux du 2è Régiment de
Chasseurs Parachutistes, quand le nom de Pierre Marienne est prononcé.
Pour les Chasseurs au béret pourpre, le nom de Marienne
est celui d'un créateur. L'esprit mystique, qui anime ces
hommes aux gestes chaleureux d'adolescents, est inséparable
de la présence du Capitaine courageux associé au
lyrisme de celui qui fut un poète. Plus tard, je revis
souvent Pierre Marienne chez moi. Il travaillait - quand il le
pouvait, car il lui fallait subsister - à une pièce
de théatre d'aprés un de mes livres.
Marienne était grand, brun, fort et agile. Son avenir le
tourmentait toujours, mais moins que son lyrisme. Nous évoquions
les noubas arden tes ( il avait été aux Tirailleurs)
et le rythme lent de l'Infanterie de la Légion de Bel-Abbés.
Nous parlions souvent de la guerre qui allait venir et nous savions
qu'elle avait déja fait son choix parmi les bons et les
mauvais. Elle avait choisi Marienne parmi les bons au moment même
qu'il me récitait ses poëmes. A cette époque,
je savais bien qu'il était né pour devenir un Chef,
un Chef aimé et obéi et je le lui disais. Un soir,
il me serra la main et je ne le revis plus. Il revint chez moi
aprés sa mort au moment même que les Chasseurs au
béret rouge bordé de soie noire me rencontrèrent
afin de me parler de lui. Pierre Marienne avait dû, lui
aussi, leur parler peut-être, de son viel ami. Et c'est
pourquoi j'ai écrit ceci afin de meler étroitement
son souvenir à cette cérémonie reconnaissante.
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Fin du stage de Largo |
Mai 1944: les choses se
précisent |
Le Lieutenant
Pierre MARIENNE
Par Jean Paulin*
Texte inédit de celui qui fut son Chef-radio
du 6 au 19 juin 1944
Le Chef de la première
mission S.A.S du 2è R.C.P était le Lieutenant Marienne.
Il était assis té du Lieutenant Déplante...
Tous les membres désignés pour cette première
mission étaient d'accord pour dire que nous avions beaucoup
de chance d'être placé aux ordres d'un tel Chef.
Je ne le connaissais alors pas car je n'étais pas de sa
Compagnie. On le disait sévère mais juste, exigeant
avec lui-même comme avec ses hommes, montrant toujours l'exemple
à l'entrainement. Son audace était grande; n'avait-il
pas avec 19 de ses hommes battu le record de vitesse de sortie
de Dakota DC3 en sept secondes et demi; record détenu pendant
longtemps par les Russes et les Américains. Il fallait
s'appeler Marienne pour tenter et réussir un tel exploit.
Le 6 juin, à la suite de la capture de ses trois ra dios,
ce fut à mon équipe que revint la mission d' assurer
les transmissions des deux Lieutenants. Désormais constamment
en compagnie du Lieu tenant Marienne, je pus apprécier
en toutes occa sions la précision de ses ordres, la perfection
des textes et des rapports qu'il nous donnait à trans mettre
au Q.G de Londres.
A la base Dingson, ferme de la Nouette à St-Mar cel, il
devait s'occuper d'abord - ce qui était l'un des impératifs
de nottre mission au départ - de la réception et
du réequipement des groupes de com bat Cooney Parties au
retour de leurs mis sions initiales d'attaques, de destructions
et de sabo tages; celles-ci étant éffectuées
aprés leur para chutage du 8 juin. Rapports effectués,
ces sticks repartaient alors vers d'autres objectifs.
En même temps, le Lieutenant Marienne s'éver tuait
à convaincre le Q.G de Londres de l'intérêt
d'armer les milliers de Patriotes qui ne deman daient qu'à
se battre, mais qui étaient complè tement démunis
d'armement. Il lui fallut se montrer trés convaincant car
le Commandement accéptait mal de voir les S.A.S se détour
ner de leur mission principale; mais le feu vert enfin obtenu
avec réticence, il fallut avec le concours du Colonel Morice
Chef des F.F.I, organi ser les parachutages d'armes et de muni
tions. Il fallait également assurer leur distri bution
aux centai nes de maquisards qui passaient à la base et
repar taient armés et équipés vers leurs
secteurs res pectifs. Tout cela à la berbe des allemands!
Le Lieutenant Marienne s'occupait aussi - ce qui était
important- de receuillir le maximum de renseignements sur les
effcetifs ennemis, leur armement, leurs lieux de cantonnement
etc...
Tout cela entrainait un trafic radio considérable qui passait
par notre petit poste Jed-Set qui fonc tionna toujours à
merveille.
Le Colonel Bourgoin, le Capitaine Puech-Samson et le Colonel Morice,
organisèrent la base et ses effectifs afin de faire face
aux assauts de l'ennemi à l'heure du combat. Le Lieutenant
Marienne fut l' âme de la Résistance sur le terrain.
Il était par tout à la fois, inter venant sur les
points critiques, dirigeant les un, encourageant les autres, ces
F.F.I plein de cou rage mais manquant d'entrai nement et de l'habitude
du combat. Seul sur sa jeep,avec son chauf feur, debout derrière
sa mit railleuse Vickers, il fonçait vers les endroits
où le combat était le plus violent. Malgré
deux blessures au front et aux reins, pansé rapidement
par une religieuse qui avait rejoint la base, il était
de nouveau en action.
Il était pour tous, S.A.S et F.F.I, le symbole même
de l'Officier Parachutiste. Son nom était répété
par tous avec admiration.
Je le revois encore, le visage noirci de poudre et de fumée,
un bandeau en parachue teinté de sang autour du front.
Ce fut la dernière vision que j'emportais de lui, image
qui me poursuit encore aujourd'hui.
Aprés la dislocation de la base, il me renvoya le 19 juin,
chercher un poste car il en avait grand besoin. Je fus alors coupé
de lui et ne pus le re joindre car il changeait souvent de cachette.
Je suis révolté à l'idée que cet homme
admirable devait mourir quelques jours plus tard, fusillé
dans le dos par des miliciens de la Gestapo française...Quelle
honte!
*Auteur de "La rage au coeur" Histoire d'un Para
de la France Libre Editions Marabout
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Le 6 Juin 1944, les alliés débarquaient sur
les côtes normandes afin de libérer le pays et l'Europe du joug nazi.
Dans ces forces, des Parachutistes Français Libres du S.A.S furent
à la pointe du dispositif de cette opération et parmi ceux-ci,
le Lt Pierre Marienne qui s'y illustra et tomba aprés s' être rendu
légendaire.
Né le 9 décembre 1908 à Souk-Ahras en Algérie, Pierre Félix
MARIENNE grandit à Guelma. Il poursuit ses études au Lycée Saint-Augustin
de Bône et aprés le bac commence une licence de lettres. Trés littéraire,
il écrit beaucoup et obtient plusieurs prix de poésie dans diverses
académies. La spécialité d'Auteur de théâtre le tente et c'est ainsi
qu'à 19 ans il compose une pièce en 3 actes "Mahdine" publiée dans
la revue Terre d'Afrique quelques années aprés. Louis Bertrand de
l'Académie française, Tristan Bernard le célèbre romancier et dramaturge,
Pierre Aldebert du Théâtre National de l'Odéon et d'autres personnalités
du monde des lettres lui prédisent alors un avenir brillant. En1931
une seconde pièce en 3 actes "Jacques et Marceline", lui vaut le Prix
du théâtre nord-africain. Le cinéma le tente aussi. Mais en mai 1928
il a choisi de s'engager par devancement d'appel au 3è Régiment de
Tirailleurs Algériens. L'Armée d'Afrique est alors composée d'indigènes
dont beaucoup ont fait la Grande Guerre et récolté des moissons de
gloire. Le rythme y est assez dur. Il suit alors à Constantine les
cours d'Elève Sous-officier d'Active et sort premier de la Division.
Inscrit ensuite aux cours préparatoires d'E.O.A., il sort également
premier de la division. Libéré en mai 1932 il rejoint Paris où il
fréquente le milieu artistique et devient rédacteur-cinéaste. Pierre
Mac Orland l'honore de son amitié et dit de lui : " son esprit
mystique animait ses gestes chaleureux", tout comme le comédien
Pierre Blanchard -qui incarnera plus tard son rôle dans Bataillon
du Ciel- et le peintre Picabia. Robert Desnos, poëte, écrivain, journaliste
et grand résistant qui mourra en déportation devient aussi son ami.
Les photos de l'époque le montrent trés élégant, le regard enjoleur
et suivant la mode vestimentaire. Pour lui, alors assistant d'un metteur
en scène, il cotoie avec facilité les plateaux de tournage où il se
sent bien, écrit quelque peu et pense à devenir scénariste. Mais la
guerre survient. Il est mobilisé au 279ème R.I et volontaire
pour les Corps Francs (on ne dit pas encore Commandos) il rejoint
le secteur de Wissembourg-Lauterbourg. Nommé Aspirant à titre temporaire,
il est blessé devant Baccarat. Fait prisonnier, il s'évade une première
fois à Belfort. Repris trois semaines plus tard à Paris, il s'évade
à nouveau et définitivement le 7 novembre 1940 pendant qu'on le transfère
de Belfort en Allemagne. Le 30 décembre 1940 il est démobilisé à Lyon
et il passe clandestinement en Afrique du nord avec une seule idée:
rallier la France Libre. Ce ne sera pas facile. Voici un passage d'une
de ses lettres : "Une première tentative pour rejoindre les troupes
combattantes de la France Libre se termine par un échec. Je suis arrêté
à Tafouralt près de Berkane alors que j'essaie, après un voyage laborieux
à travers la zone occupée, la zone libre et l'Algérie, d'atteindre
Mellila au Maroc Espagnol, dans l'espoir de pouvoir, de cette ville,
gagner Tanger puis Gibraltar. Il est impossible à la gendarmerie marocaine,
après enquête, de prouver que je désirais rejoindre la France combattante.
On ne peut donc retenir contre moi que le fait d'avoir franchi clandestinement
la frontière Algéro- marocaine. Après deux mois d'emprisonnement,
je suis expulsé sur Oran. Après bien des tractations, bien des démarches,
je réussis à faire annuler mon arrêté d'expulsion, à obtenir un visa
régulier pour le Maroc au mois de mars 194l... Le 16 juillet, je quitte
Fès pour une seconde tentative. Déguisé en indigène, j'essaie de gagner
Tanger. Je suis arrêté près d'Arcila, pas très loin du but, en somme,
où j'étais attendu..." Emprisonné pendant 2 mois à Tétouan
puis transféré au Maroc français, il est mis au secret. Une note de
Vichy prie le Commissaire du Gouvernement de demander à son encontre
la peine de mort. Survient le débarquement allié en Afrique du Nord.
Sous le prétexte qu'il n'a pas été jugé, on ne le libère pas ! Les
généraux à qui il a antérieurement envoyé de sa prison un pamphlet
où il exprimait avec violence ses sentiments patriotiques, ne désespèrent
pas de le voir condamner. Son procès est fixé au 26 novembre, soit
dix-huit jours après le débarquement et la peine capitale est de nouveau
requise! Un télégramme d'Alger, probablement sur l'intervention du
général Béthouard, le fait enfin libérer le 23 à 23 heures. Quelques
jours après il est à Gibraltar et il s'engage ainsi dans les Forces
Françaises Libres le 20 février 1943. Rejoignant en Angleterre le
1er Bataillon d'Infanterie de l'Air, il est breveté parachutiste à
Ringway et accomplit chez les paras polonais libres le dur stage de
l'Ecole de Largo. Il est l'Officier aimé, craint et respecté. Aussi
dur pour ses hommes que pour lui même, il sait qu'une certaine sévérité
à l'entrainement, facilitera le vie de ses hommes lorsqu'ils iront
au feu. Il rêve de les y conduire et en France bien sûr. En
mai 1944, il écrit à ses parents à Guelma : " Je suis aux
parachutistes depuis quinze mois. Je commande la 2ème troupe du 4
ème bataillon. C'est une vieille garde mystique, fidèle et sûre.
Ce n'est pas seulement cinquante garçons courageux, c'est une entité
qui a été dans les moments de crises traversés, l'âme des parachutistes
français de grande-Bretagne... ; il en énumère ensuite fièrement
les exploits :" un record d'assaut- cross de Grande-Bretagne
battu il y a plusieurs mois et qui est toujours debout... Des centaines
de sauts d'expérience effectués avec beaucoup d'aisance et de courage,
nous avons été pendant trois mois, ma troupe et moi, parachutistes
d'essais volontaires dans un centre secret anglais... Un record du
monde de vitesse de sauts par équipe de vingt hommes enregistré officiellement,
de nombreux succès aux différentes manoeuvres effectuées..."
Il a fait broder sur son fanion cette devise qui est comme une prémonition:
"VAINCRE & MOURIR".
Début juin 1944 il est nommé lieutenant au 4è B.I.A qui ve devenir
le fameux 2ème RCP et le 5 juin 1944, peu avant minuit, sur une piste
d'envol le Général Boy Browning Chef des Troupes Aéroportées Britanniques
lui tape amicalement sur l'épaule : Heureux de souhaiter bonne chance
au premier officier de l'armée de libération à mettre le pied sur
le sol de France. Le Colonel Bourgoin l'a choisi entre tous et depuis
48 heures, il prépare sa mission dans la tente "renseignement"
avec le Lt Fleuriot.
Son stick est composé d'hommes de sa Troop mais également
de transmetteurs qui viennent de la fameuse Section Radio.
Le sort en est jeté...consécration suprême pour cet Officier de talent,
ardent patriote, il sera avec son stick le premier soldat allié à
toucher le sol de France les armes à la main... Là, se place un épisode
significatif: lors du record du monde de saut, ses hommes lui avaient
offert un étui à cigarette avec sur le boitier, les signatures des
participants gravées. Un jour, aprés qu'il ait été fort mécontent
de ses hommes au cours d'un entrainement, il leur avait rendu ce cadeau,
preuve qu'il devait être trés faché. Ce soir, dans l'avion qui les
emporte vers la France, l'un d'eux s'approche de lui et lui tend l'étui.
Marienne plante son regard de braise dans les yeux de l'homme, puis
sourit. Il prend l'objet, en tire une cigarette et le fait passer
aux autres, puis le reprend et le glisse dans la poche de sa smock
camouflée. Tout est dit. Aprés sa mort l'étui est resté introuvable.
Pris par un homme de Zeller, qui s'est suicidé peu aprés la Libération,
on ne sait toujours pas où il se trouve. Cette relique serait pourtant
à placer dans un des hauts lieux de son Epopée!
Vers 1 heure du matin, le 6 juin 1944, il est parachuté avec 6 Sous-
officiers et hommes, munis de postes de radio dans une petite clairière
près du village de Plumelec dans le Morbihan. Il commande l'un des
deux groupes chargés d'établir la base S.A.S du Morbihan destinée
à mener les futures actions du Bataillon en liaison avec la Résistance,
là où est concentrée une forte densité de troupes allemandes, de gestapo
et de miliciens (150. 000 hommes environ). Dans le plan général du
débar quement allié, le 2ème RCP a pour mission de fixer sur place
en Bretagne, avec l'aide des FFI, les renforts que l'ennemi pourrait
diriger vers le front de Normandie, rendant plus difficile le déroulement
de l'opération "Overlord". Ces paras français appartiennent
au Spécial Air Service (SAS) brigade britannique commandée par le
général Mac Léod. En grande Bretagne, ils ont subi un dur entraînementen
vue de missions éclair. Ils comptent dans leurs rangs les vétérans
de la campagne d'Afrique du Nord - French Squadron S.A.S - et des
volontaires venus rejoindre les commandos parachutistes, parfois aprés
avoir servi dans d'autres Unités de la France Libre.
Pierre Marienne est donc le premier Officier français à avoir
foulé le sol de la Patrie. Car, quand il se pose à Plumelec,
les bateaux alliés se dirigent vers les côtes normandes et les avions
et planeurs n'ont pas encore deversés les Divisions entières d'Aéroportés
US et Britannique. Véritable meneur d'hommes , il se couvrira de gloire
pendant la bataille du maquis de St Marcel,quelques semaines plus
tard, le 18 juin, date fatidique entre toutes..
Or donc, dans cette nuit du 5 au 6 juin 1944 ,
le groupe du lieutenant Marienne touche terre à deux kilomètres de
l'endroit prévu et à 800 mètres d'un poste d'observation allemand
installé dans le moulin désaffecté de la Grée en Plumelec -aujourd'hui
Musée des Parachutistes S.A.S et Mémorial-
Du temps est perdu à rechercher une malle et au bout d'une demi- heure
la D.Z (dropping zone) est cernée par environ 150 ennemis, pour la
plupart des russes (Ukrainiens et Géorgiens), alertés par la vigie
de l'observatoire. Un feu d'armes automatiques oblige ses hommes restés
sur la D.Z à riposter pour se défendre et proteger le matériel radio
et les codes. Le caporal Bouétard blessé légèrement est abattu sauvagement
, première victime française et alliée des combats pour la Libération
de la France et de l'Europe du Nord, les trois radios sont capturés
avec les postes en partie détruits mais les codes sont intacts.
L'agent du S.O.E Hunter-Hue (Capitaine André) qui devait servir de
guide et le sergent Raufast sont également séparés de Marienne qui
s'était éloigné avec deux hommes . Marienne a entendu l'accrochage
et a compris qu'il ne pouvait rie faire. Il parvient à échapper aux
recherches, à entrer en contact avec la Résistance et avec ses deux
paras, il rejoint la ferme de la Nouette -Commune de Serent- à 20
km du lieu de son parachutage, le 7 juin où est insatllé
le P.C des F.F.I. Il y sera en compagnie du Lieutenant Deplante et
de son stick qui a été parachuté presque en même temps, mais loin
de sa D.Z vers Guehenno. Dès son arrivée l'importance des effectifs
F.F.I présents sur ce Camp dit "de Saint-Marcel" l'impressionne. Les
renseignements au départ de sa mission, ne le laissaient pas imaginer
qu'il trouverait dans ce département, des forces intérieures
combattantes aussi déterminées malgré le manque évident d'armes et
de munitions, d'autant qu'en Angleterre, le Commandant du 2ème RCP,
Pierre Bourgoin, tout comme le Haut Commandement Allié, étaient persuadés
de l'anéan tissement de la Résistance morbihannaise, ce détail pouvant
paraître surprenant il est significatif du manque de coordination
entre les services de renseignements qui travaillaient en France sur
le terrain et en Angleterre. Il envoie donc par radio, le 8, au commandant
Bourgoin le message suivant : Pierre l- Indicatif101- Confirme
message adressé commandant FFI - Confirme 10 compagnies faiblement
armées sur 25- Envoyer urgence tous officiers disponibles, troupes
et matériels en particulier Bren guns -Votre présence ici indispensable
- Urgence - Suis enthousiasmé par organisation et ses immenses possibilités
- Le Q.G. résistance affirme pouvoir aider d'ici Samwest, Charlotte
et Dudule reconnus seront fortement installés et défendus - Prévenez
toutes les missions que ces rendez-vous se portent bien - Ai vu atterir
mission n° 413 - Avons envoyé patrouille - Mission actuellement au
Q.G. sera renseignée et guidée sur son objectif. Confirme D.Z—f 18233
OK 9 . Convient également pour plusieurs - Vous attendons nuit de
D+3 à D+4. Serez guidés par Eurêka. Terrain balisé et défendu - Lettre
de reconnaissance convenue - 50 camions 3 tonnes, 30 voitures tourisme
disponibles - Avons grosses réserves vivres et cheptel, sauf farine
- Envoyer d'urgence essence, matériel sanitaire et uniformes avec
si possible identité. Attendons confirmation de votre arrivée -Resterons
un moment silencieux. Signé : Pierre1. Ce message est suivi d'un
second transmis le 9: Pierre1 - indicatif 101 - Confirme message
adressé au Commandant Bourgoin - Situation rétablie de prodigieuse
façon malgré les mauvaises arrivées - Ai trouvé Pierre II (le
lieutenant Déplante et son stick) et Femand (alias capitaine
André) ai pris contact avec Résistance - Suis au Q.G. - Gros succès.
3 500 hommes en formation régulière vous attendent - Votre présence
ici est indispensable - Vous donnerai peut-être détail dans la journée
- Confirme D.Z. sera gardée par 500 hommes la nuit de votre arrivée
- Confirmer - Urgence matériel et hommes. Le Commandant Bourgoin arrive
dans la nuit du 9 au 10. Comme il est manchot les anglais l'ont
équipé d'un parachute tricolore dont la voilure a été agrandie à cause
de son handicap et pour honorer cet homme au courage indomptable.
150 paras environs seront largués par groupes sur le camp de Saint
Marcel ainsi que des containers à raison de 28 par appareil. Le plus
important parachutage de la France occupée a lieu dans la nuit du
13 juin où 25 avions lâchent quelques700 containers et colis contenant
toutes les armes offensives possible . Ainsi 68 avions, selon le témoignage
de l'ancien chef départemental du B.O.A., ont parachuté des hommes
et des containers sur le terrain du 9 au 17 juin ! Au total 3 à 4
000 hommes ont été armés à Saint Marcel. De plus, le camp dispose
depuis la nuit du 17 de 4 jeeps spécialement aménagées pour supporter
des mitrailleuses vickers lesquelles, hélas, ont été détruite à l'atterrissage
du container qui les transportait-une seule pourra être reconstituée
en utilisant des pièces des 11 autres--.
Grâce à l'appréciation et à la détermination de Pierre Marienne, la
mission des S.A.S va pouvoir commencer. Ainsi que nous l'avons déjà
mentionné, elle consistera à fixer les unités allemandes en Bretagne
par des sabotages sur les voies de communication -voies ferrées, routes,
lignes souterraines à grande distance, lignes téléphoniques etc- (18
équipes dites Cooney Parties s'en chargeront) et en lançant des actions
offensives et des embuscades; il leur faudra également trouver des
D.Z et des terrains d'atterrissage pour planeurs.
Hélas, il y aura bataille, alors que la zone de la Base devait rester
ignorée de l'ennemi. C'est la fameuse bataille de Saint Marcel
qui a eu un retentissement très grand dans tout le pays breton. Les
allemands alertés par les incessants ballets aériens britanniques
n'osent pas approcher du Camp. Mais une erreur de trajet, fait passer
deux véhicules légers sur la route St-Marcel - Serent en plein milieu
du dispositif français. Malgré les tirs des paras une d'elle parvient
à s'échapper et donne l'alerte. L'attaque débute à l'aube du dimanche
18 juin 1944. Elle s'achèvera à la nuit. Malgré l'acharnement des
français et l'appui aérien d'une Escadrille de Chasseurs Bombardiers
au milieu de l'aprés-midi la position devient intenable. Le décrochage
des maquisards et des parachutistes commence à 22 heures. Les pertes
allemandes sont lourdes. On a écrit que 560 allemands périrent à Saint-Marcel.
Ce chiffre, impossible à vérifier, est exagéré probablement car d'après
le Capitaine Fay, il faudrait le ramener à 300. Au cours de cette
journée les pertes françaises se décomptent ainsi : 30 hommes tués
au cours des combats dont 6 parachutistes, environ 60 blessés évacués
et une quinzaine faits prisonniers. C'est peu par rapport aux allemands.
Les parachutistes ont fait de nombreuses victimes, en particulier
le lieutenant Marienne qui, utilisant l'unique jeep pourvue de fusils-mitrailleurs
Bren et de la seule Vickers a, selon divers témoignages, tué une quarantaine
d'allemands . Il y a gagné le surnom de "Lion de Saint-Marcel",
village qu'on dénommait aussi la Petite France. Le combat de Saint
Marcel a un énorme retentissement dans le Morbihan occupé, parce que,
pour la première fois, l'occupant a été tenu en échec. Les jeunes
combattants des F.F.I, qui pour la plupart, y ont reçu le baptême
du feu, s'y sont dans l'ensemble très bien comportés, entraînés par
le courage de leurs chefs et par l'expérience et la fougue des parachutistes.
Les représailles, dans les jours qui suivront, seront sur la population
à la mesure de l'immense affront qu'ont subi les forces ennemies.
Le courage des français a servi à donner cette leçon. Le Lieutenant
Marienne, comme toujours a été un extraordinaire entraîneur d'hommes.
Une véritable légende se formera autour des épisodes de cette journée.
Il deviendra alors un homme recherché, que l'ennemi veut mort
ou vif.
Dans la nuit du 19 au 20 juin, Marienne divise les 80 hommes qui l'ont
suivi par petits groupes autour de Plumelec. Jean Paulin son radio
est obligé de rebrousser chemin pour tenter de retrouver un poste
à Saint Marcel. C'est ainsi qu'il ne pourra rejoindre Marienne et
ne sera pas à Kerihuel à l'heure fatidique. Durant les deux premières
semaines qui suivent, il regroupe tous ceux (maquisards et paras)
qui sont restés dans la moitié orientale du Morbihan. Le 24 juin il
reçoit de Londres sa nomination au grade de Capitaine en même temps
qu'arrive celle au grade de Lieutenant-Colonel du Commandant Bourgoin.
L'ascendant que Marienne exerce sur ses subordonnés, le courage dont
il a fait preuve dans la bataille, sa détermination à redonner le
maximum de cohésion possible au Bataillon disloqué, le désignaient
tout naturellement pour devenir le chef des éléments éparpillés plus
ou moins loin autour de l'ancien camp de Saint Marcel. Le groupe Marienne
(parmi lequel on compte le Lieutenant Martin, l'Aspirant Taylor, deux
Sous-officiers et une agent de liaison Anne Créquer) a une grande
activité. Il recueille les renseignements réclamés par Londres sur
la région de la presqu'île de Rhuys en vue d'un 2ème débarquement
et il les transmet grâce aux postes de radio sauvés. Il organise sur
le terrain l'arrivée de ce débarquement. Par souci de sécurité il
change souvent de cache. Il se sait recherché par la Gestapo
et la Milice. Grâce à Joseph Jego, F.F.I. très sûr et fermier des
environs qui connaît parfaitement les chemins de traverse, il peut
reprendre contact avec le Colonel Bourgoin pour, hélas, la dernière
fois de sa vie. La ferme de Quenelec où il a trouvé refuge étant surveillée,
il décide de vider les lieux et dans la nuit du 10 au 11 juillet tout
le groupe part pour Kérihuel, près de Cadoudal en Plumelec - Le trajet
est difficile, car ses hommes sont chargés. Ils arrivent harassés
à destination. Lorsqu'ils parviennent enfin à Kérihuel, ils s'installent
en contre bas de la ferme contre une haie, alors que le stick Taylor
monte ses tentes de l'autre côté de la même haie. Le soir, là on lui
remet ses galons de Capitaine, de simples fourreaux fabriqués localement
par une toute jeune fille de 14 ans. Geste émouvant qui montre
l'admiration des Bretons.
Le Lieutenant F.F.I. Morizur les a conduit sans le savoir à l'endroit
où presque tous, y compris lui-même, seront massacrés avec son adjoint
le Lieutenant Martin ancien des S.A.S de Lybie, 2 Sous-officiers,
2 paras et 10 patriotes par l'equipe du milicien Zeller (un ancien
Officier de l'Aéronavale Française que l'Administration n'a pas sû
garder dans le giron de la France) et les allemands. Ainsi, le Capitaine
Marienne est tombé sans doute victime d'une trahison. Mais de qui
? Nous étions le 12 juillet 1944 à l'aube à Kérihuel trés prés de
Plumelec où il avait atterri quelques semaines au paravent, il avait
36 ans.
La France perdait ainsi l'un de ses derniers Chevaliers... Un exemple
irremplaçable, à ne jamais, jamais, oublier.
Madame Pierre Bourgoin écrivait : "Je n'ai pas connu le Capitaine
Marienne mais depuis 32 ans j'entends prononcer son nom avec la même
vénération. Adoré de tous ceux qui l'ont approché, il est devenu en
pays gallo, un héros légendaire". Son époux, le Colonel Bourgoin,
député de Paris, décédé en 1970 a tenu à reposer près de lui et de
ses compagnons dans le cimetière de Plumelec où la population leur
a dressé un monument
Roger Leroux a écrit : "Esprit passionné
d'absolu, patriote mystique, exigeant pour lui même comme pour
ses hommes, fier d'eux et s'identifiant à l'Unité qu'il
commande, Marienne qui avait eu tant d'obstacles à vaincre
pour gagner l'Angleterre, a-t-il trop cru que la chance avait tourné?
Ignorant le danger, il montre à St Marcel, le prodigieux courage
d'un Paladin moderne, il parait invincible et finit peut être,
hélas! par avoir l'illusion de l'être. Une mort absurde
n'empêche point que cette figure exceptionnelle d'ardeur et
de pureté ne domine le 2è R.C.P et l'on comprend que
le Colonel Bourgoin est voulu reposer prés de lui et de ses
Compagnons dans le cimétière de Plumelec.
Les Elèves Officiers de Réserve de l'Ecole de Coëtquidan
ont choisi de donner le nom de baptême de Cne Marienne à
l'une de leurs Promotions.
Témoignages de Madame Bourgoin,
Messieurs Paul Marienne, Missud, Jean Paulin, Joseph Jego, Maurice
Sauvé, Messieurs Danet.
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